Vie quoditienne (2) : Fromages cambodgiens

Autant pour le barang (c’est comme cela que l’on appelle ici tous les Occidentaux, même si le terme បារាំង, qui a donné en thaï « farang », est une transcription phonétique du mot « France », et signifie donc à l’origine « français ») touriste au Cambodge, les restaurants locaux de Siemreap ou Phnom-Penh sont l’occasion de découvrir une gastronomie savoureuse, haute en couleurs et originale, pour le barang expat vivant au pays du sourire, il est bon parfois de retrouver les douces saveurs et enviables fumets du pays. D’où le succès indéniable dont jouissent les restaurants français et autres de Phnom-Penh, ville dont la densité de population barangue au mètre carré est largement supérieure à celle de métropoles asiatiques telles que Shanghai ou Tokyo.
D’où l’intérêt aussi de l’existence à Phnom Penh de sources d’approvisionnement en fromages, que j’ai qualifié dans mon titre accrocheur de « cambodgiens » uniquement dans un unique but de publicité mensongère puisque, pour autant que je le sache, l’industrie fromagère au Cambodge est anté-embryonnaire.
On trouve bien dans les rayons des supermarchés de la Vache Qui Rit ou de l’ersatz de parmesan râpé de fabrication vietnamienne, mais il semble que ce soit bien là ou à peu près que s’arrête la production fromagère en Asie sud-orientale, ce qui s’explique probablement par le climat peu propice à l’affinage de ces denrées qui font le bonheur des palais fins gaulois, et donnent des cauchemars aux autorités sanitaires américaines qui voient en tout fromage non pasteurisé une source potentielle d’infection bactérienne impossible à juguler.
Heureusement, œuvrent pour notre salut, sur le territoire du Royaume du Cambodge, des importateurs avisés et fins connoisseurs, qui prennent les risques commerciaux les plus insensés pour mettre à disposition de nos bourses replètes (la moindre boîte de camembert Président coûte au bas mot un cinquième du salaire mensuel de base d’une ouvrière locale du textile) les créations fromagères les plus rares.
Déjà, il m’avait fallu me rendre à Macao pour découvrir un fromage qui ne faisait pas partie de la liste des courses familiales lorsque nous nous rendions chez le crémier : le Saint Félicien (j’en ai goûté une version de la meilleure qualité au « Galera », restaurant créé par Joël Rebuchon à l’Hôtel Lisboa), dont je suis maintenant un inconditionnel. Et c’est à Phnom-Penh que la grâce gastronomique m’a touché en la « personne » d’une autre création de haute couture laitière : l’Affiné au Chablis.
Pour les moins aventureux, notons aussi qu’il n’est pas très difficile de dénicher à Phnom Penh des variétés moins exotiques : camembert, brie, roquefort se bousculent sur les étagères des rayons réfrigérés de Thai Huot ou de Lucky (deux supermarchés phnompenhois bien connus des expats). Les amateurs au palais moins exigeant se satisferont probablement de Caprice des Dieux ou de Boursin à l’ail et aux fines herbes. Les enfants pourront quant à eux se régaler de Kiri et autres spécialités fromagères fondues et en tranches. Quant aux rosbifs et autres non-civilisés (gastronomiquement parlant), ils trouveront tout aussi facilement de la mozzarella ou d’autres importations italiennes, australiennes ou néozélandaises.
J’ai pour ma part osé faire entrer dans le réfrigérateur familial une boîte de « Petit Livarot », dont le parfum a beaucoup inquiété Emilie qui pensait que la date de péremption était dépassée d’au moins six mois et qui m’a reproché, quand j’ai fait sortir l’animal de son écrin de papier, d’avoir  jeté par le fenêtre la colossale somme de 12 dollars, montant de la rançon payée pour mettre la main sur ce délice.
Faisant fi des foudres conjugales, je convoite depuis quelques jours l’une de ces jolies boîtes de bois rondes que j’ai repérées chez Lucky, portant sur leur face supérieure le doux nom de l’une de ces merveilles que je ne connais encore que de réputation et qui a l’air d’être en odeur (c’est le cas de le dire) de sainteté chez les plus fins gourmets : Époisses de Bourgogne.
Un regret cependant : si j’ai trouvé sans trop de mal le boulanger fournissant la baguette de pain idoine, je n’ai pas encore déniché le marchand de picrate qui pourra me proposer à prix raisonnable une bouteille ou deux de Gevrey-Chambertin pour compléter le chef-d’œuvre gastronomique que j’immortaliserai sur la pellicule numérique de mon magnifique téléphone portable dont je n’utilise pas le quart de la moitié du tiers des fonctions, et que j’intitulerai : « Du pain, du vin, de l’Époisses, avant-goût d’Eden ».

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3 commentaires pour Vie quoditienne (2) : Fromages cambodgiens

  1. mitouyou dit :

    Je me suis bien fait avoir par ce titre ! Remboursez !

  2. Ping : Fromages pékinois | Sinogastronomie

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