Gastronomie : Cinq gâteaux khmers

Notre cuisinière a récemment identifié au marché un stand spécialisé dans la vente de gâteaux d’origines diverses (khmers, bien sûr, mais aussi thaïs et viets), de bonne qualité. Ayant bien compris mon intérêt particulier pour la chose, elle me fait découvrir progressivement ces différentes douceurs. Je vous en propose ici une petite série de cinq (j’ai déjà parlé de certains d’entre eux sur Sinogastronomie, je demande par avance aux lecteurs de Sinogastronomie de m’excuser pour cette redite)…
នំគ្រាប់ខ្នុរ (gâteau « graine de jacques »)
Ce gâteau porte le nom de « graine de jacques » (គ្រាប់ខ្នុរ) uniquement en raison de sa couleur et sa forme, car dans sa composition il n’entre pas la moindre parcelle du fruit du jacquier (ខ្នុរ). Il se compose en effet de purée de haricots mungos (សណ្ដែកបាយ – ici, le ត souscrit se prononce [d]), mêlée de sucre. On donne à l’ensemble une jolie forme ovale (en khmer, on parle de forme « d’œuf de crocodile » ពងក្រពើ). La purée est blanche, la couleur jaune du gâteau n’est que superficielle, elle est apportée, selon toute vraisemblance, par du jaune d’œuf de canne mélangé avec du sucre. Ce gâteau est sucré à souhait.
nomkroapkhnor (2)នំសង់ខ្យា (gâteau flan)
Le mot សង់ខ្យា, désigne en khmer une sorte de flan, composé de lait de coco, de farine de riz, d’œuf, de sucre et d’une pincée de sel. On retrouve cette préparation sous la forme que je présente aujourd’hui, c’est-à-dire comme un gâteau indépendant, mais on connaît aussi une « citrouille au flan », mets préparé en versant l’appareil du flan dans une citrouille débarrassée de ses graines (on parle de « citrouille au flan » សង់ខ្យាល្ពៅ), qui ensuite longuement cuite à la vapeur.
nom sangkhya (1)នំយឹប (gâteau « yeub »)
Il s’agit d’un gâteau thaï. Je n’ai trouvé le mot យឹប dans aucun dictionnaire khmer (sauf bien sûr dans le nom de ce gâteau), il me semble donc probable que យឹប soit la transcription khmère du nom thaï de cette friandise. Là encore, on utilise pour sa fabrication du jaune d’œuf de caille et du sucre. Ce gâteau-ci est sensiblement moins sucré que les deux précédents.
nom yeub (2)នំបាញ់ឌុក (gâteau bánh đúc)
L’énoncé du nom khmer m’a immédiatement fait soupçonner une origine vietnamienne, car le mot vietnamien « bánh » est un terme générique qui signifie « gâteau » au sens large. Vérifications faites, il s’agit effectivement d’un gâteau vietnamien dont on connaît de nombreuses versions dans la partie méridionale du Vietnam. La version anglaise de Wikipedia consacre d’ailleurs à cette préparation un article (voir ici). Ce gâteau est fabriqué à partir de farine de riz non glutineux. La couleur verte est apportée par un colorant naturel fabriqué à partir de feuilles de Pandanus amaryllifolius (en khmer តើយ).
nom banhducនំសែសយ (gâteau « saesây »).
Le mot សែសយ n’est utilisé en khmer que dans le nom de ce gâteau, ce qui me fait soupçonner une origine étrangère, même si dans « l’ode aux gâteaux khmers » que l’on donne sur le site Wisdom Support Center (voir ici), ce gâteau est donné comme étant d’origine khmère. J’avoue cependant que je n’ai pas trouvé de gâteau équivalent dans les autres cuisines que je connais. La farce qu’enferme la feuille de bananier dans laquelle le gâteau est enveloppé fait jouer à la noix de coco le rôle principal.
nom saesayVoilà, ce sera tout pour aujourd’hui, mais que les amateurs se rassurent : nous sommes loin d’avoir parlé de tous les gâteaux que l’on trouve au Cambodge !

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9 commentaires pour Gastronomie : Cinq gâteaux khmers

  1. Julien L dit :

    Bonjour,

    Tout d’abord, merci pour cet article une fois de plus très intéressant.

    J’aimerais revenir sur deux des gâteaux présentés.

    Jusqu’à maintenant, le mot សង់ខ្យា désignait, pour moi, une crème qu’on utilise pour napper du riz glutineux. Le résultat est un dessert appelé « baaï dâmnaeup sânkyaa » (transcription personnelle). Avez-vous déjà eu l’occasion de goûter ce dessert ?

    Je suis un peu étonné de la transcription du mot យឹប. Habituellement, la consonne ប est prononcée « p » lorsqu’elle est placée en fin de mot. Je le prononcerais donc plutôt « yeûp ». D’autre part, cette douceur (peut-on réellement parler de gâteau dans ce cas ?) est souvent accompagnée de friandises en forme de filaments, ayant la même consistance et la même couleur. On m’avait dit que cette friandise s’appelait « yiit yœut » (transcription très approximative). Du coup, je me demande si il n’y aurait pas un lien entre votre « yeub » et mon « yœut ».

    Merci de votre éclaircissement.

  2. Julien L. dit :

    Finalement, j’ai eu l’occasion de manger ces friandises le week-end dernier, et l’opportunité d’en savoir un peu plus. La friandise en forme de fleur s’appelle bien yeûp. Et la friandise en forme de filaments s’appelle vaôï. On m’a confirmé que ces friandises sont bien d’origine thaïlandaise. Voilà qui rectifie mon précédent commentaire.

    • Pascal dit :

      Bonjour Julien,
      Désolé pour ma réponse tardive, mais j’ai pas mal de choses à faire en ce moment…
      Le nombre des gâteaux khmers (nom) est impressionnant. Il y en a plusieurs dizaines, et je n’en connais que quelques-uns.
      Pour ce qui est des prononciations, les transcriptions phonétiques en caractères latins sont toujours plus ou moins imparfaites. Il y a bien un système de translittération qui permet de reproduire en caractères latins toutes les lettres d’un mot khmer, mais il est plutôt à l’usage des spécialistes.
      Je ne peux que vous exhorter à apprendre l’alphabet khmer. Cela ne nécessite pas un effort surhumain, et savoir déchiffrer ce qui est écrit sur les pancartes ou les menus, par exemple, c’est assez sympa.
      Pascal

      • Julien L. dit :

        Bonjour Pascal,
        Merci pour votre réponse.
        Je sais déchiffrer l’alphabet khmer (plus ou moins), mais savoir lire et savoir prononcer un mot lu sont deux choses différentes.
        Les transcriptions que je donnais sont tout à fait personnelles. J’ai bien conscience que les transcriptions sont imparfaites, et je ne souhaitais, en aucune manière, critiquer les transcriptions que vous donnez. Je souhaitais simplement confirmer le fait que le son final du mot យឹប est bien /p/.
        Cordialement.

      • Pascal dit :

        Bonjour Julien,
        Oui, tout à fait, យឹប s’écrit bien avec un ប à la fin, qui se prononce [p].
        Il me semble que le ប final se prononce toujours [p], comme les mots បើប (genre, espèce), រៀប (préparer), ស្ដាប់ (écouter), etc. Connaissez-vous des mots qui illustreraient le contraire ?
        Je ne m’offusque jamais des remarques ou critiques qui me sont adressées. Souvent, elles me permettent de réfléchir à des choses que je trouve « naturelles », ou auxquelles je n’ai jamais réfléchi (en l’occurence, la prononciation du ប final).
        🙂
        Pascal

      • Julien L. dit :

        Bonjour Pascal,
        Je suis un peu étonné car, selon moi, les mots រៀប (préparer) et ស្ដាប់ (écouter) se prononcent [p] à la fin. J’ai plein d’autres exemples : ទៀប (anone, corossol), យប់ (nuit), ដប់ (dix), ដប (bouteille), etc. Le dictionnaire Headley (disponible sur http://sealang.net/khmer/) indique que tous ces mots sont prononcés [p] à la fin (le mot បើប n’y est pas indiqué).
        Il s’agit, selon moi, de la règle générale et je ne connais pas d’exception (il faut aussi dire que mon vocabulaire est très limité).
        Cela dit, la différence entre [b] et [p] est assez faible. Il est possible que la vérité se trouve entre les deux. 🙂
        C’est un peu comme la prononciation de la lettre វ en début de mot. Selon moi, c’est plutôt un [v] mais on peut aussi l’entendre comme un [w]. Exemple : វត្ត (temple), tantôt transcrit wat, tantôt transcrit vat (selon moi, vôat). La vérité est probablement entre les deux (mais je n’ai trouvé aucun symbole API pour représenter ce son).

      • Pascal dit :

        Bonjour Julien,
        Je ne sais pas ce qui s’est passé lorsque j’ai rédigé la réponse ! Pourtant, je suis sûr que je n’étais pas sous l’emprise de l’alcool ! 😀
        Oui, vous avez raison, ប en position finale se prononce bien [p], et non [b] ! (Je viens de corriger ma dernière réponse) !
        Pour ce qui est de វ, Wikipedia donne les symboles API /ʋ/ et /w/ (voir ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Help:IPA_for_Khmer). La prononciation est en effet un « v » atténué, différent de notre « v » français.
        Vous avez aussi raison sur la prononciation de la voyelle. Headly donne la prononciation /voat/ (voir ici : http://dictionary.tovnah.com/?q=%E1%9E%9C%E1%9E%8F%E1%9F%92%E1%9E%8F&btnG=Search&dic=all)
        Pascal

      • Julien L. dit :

        Bonjour Pascal,
        Merci pour votre réponse.
        Je suis rassuré concernant la prononciation de la lettre ប.
        Merci également pour le lien vers Wikipedia. Je ne connaissais pas cette page, très intéressante mais aussi encore une fois très discutable selon moi (surtout en ce qui concerne la prononciation des voyelles). 😉 Néanmoins, je suis assez d’accord avec la prononciation de la lettre វ.

  3. Eric dit :

    Bonjour Pascal, à propos du mot នំសែសយ, il me semble que l’origine est clairement thaï où il s’appelle ขนมสอดไส้ [kʰānǒm sɔ̀ːt sâj] ou ขนมใส่ไส้ [kʰānǒm sàj sâj].

    สอด = insérer
    ไส้ = 1. intestin 2. farce, remplissage (on dirait ស្នូល en khmer)
    ใส่ = ajouter

    J’en profite pour vous remercier pour votre partage !
    Un lecteur régulier

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