Le roman L’Anarchiste est l’œuvre la plus connue en France de l’écrivain cambodgien Soth Polin.
Publié pour la première fois en 1980 aux éditions de La Table Ronde, le roman est constitué de deux parties, écrites à douze ans d’intervalle. La première partie, publiée initialement en khmer en 1967 sous le titre de Sans pitié, les fesses en arrière (ចំតិតឥតអាសូរ), est le récit de la folie d’un homme qui finit par séjourner dans l’hôpital psychiatrique après avoir sauvagement assassiné sa belle-sœur (le texte en khmer est à lire en ligne, ici). Ce court récit avait été interdit par Sihanouk. Douze ans plus tard, Soth Polin, exilé à Paris, traduit cette première partie en français, et rédige la seconde partie.
Virak, le personnage principal de cette seconde partie, est un Cambodgien exilé, devenu chauffeur de taxi. Lors d’une course, sa conduite imprudente provoque un accident dans lequel meurt sa passagère, une jeune Anglaise. Le chauffeur de taxi se lance alors dans un monologue dans lequel il livre le récit de sa vie sous l’éphémère République Khmère (1970-1975), qu’il soutient d’abord, avant d’être désabusé par la politique que mènent les dirigeants républicains. Virak, directeur de journal, fervent partisan de la république, finit par publier un numéro spécial dans lequel il dénonce les crimes des dirigeants de l’État, juste avant de s’enfuir en France, in extremis, avec sa femme et ses deux enfants. Dans cette deuxième partie, les éléments autobiographiques sont nombreux.
Le récit est celui d’un homme qui observe avec froideur et ironie la société qui l’entoure. Fervent nationaliste et républicain, il constate que ceux qui renversent Sihanouk en 1970 et sont supposés redresser le pays et lutter contre les Vietnamiens, ennemis héréditaires du Cambodge, ne sont préoccupés en réalité que par l’argent et le sexe. Certains officiers supérieurs vont même jusqu’à vendre aux Khmers rouges les armes que les Américains fournissent à l’armée républicaine.
L’écriture de Soth Polin est originale, elle est percutante. Comme l’écrit Céline Ngi dans un article publié dans Le Petit Journal du Cambodge en 2011 à l’occasion de la publication de L’Anarchiste au format de poche dans la collection « La petit vermillon » des éditions de La Table Ronde, « L’Anarchiste est un récit fait de sang et de foutre, d’errances morbides et de pulsions meurtrières. » On retrouve d’ailleurs ces thèmes dans d’autres textes de Soth Polin, comme par exemple dans le recueil de nouvelles La Mort dans l’âme (មរណៈក្នុងដួងចិត្ត) (auquel j’avais consacré un court billet sur Les Érotiques, voir ici).
Bien qu’écrit en français, L’Anarchiste est une œuvre majeure de la littérature cambodgienne contemporaine. Le livre est encore disponible en librairie (ISBN : 978-27103-6862-5).
Pour plus d’informations, je vous invite à lire :
– La notice en anglais que Wikipedia consacre à Soth Polin (ici) ;
– La page consacrée à L’Anarchiste sur le site de l’éditeur (ici) :
– L’article de Céline Ngi publié dans Le Petit Journal du Cambodge le 28 novembre 2011 (ici)
Ci-dessous, la première de couverture de mon exemplaire :
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