Cinoche : Moronak Meada

L’histoire de Moronak Meada (រឿងមរណមាតា [rœung mo-ro-nak mea-da]), littéralement « la mort de la mère » est extrêmement connue au Cambodge. Cette histoire tire son origine d’un vieux texte pali ; c’est son adaptation sous forme poétique en 1877 par le moine et poète Uk qui est la plus connue au Cambodge.
Cette histoire a été portée à l’écran en 2004.
Moronak Meada, qui signifie littéralement « la mort de la mère », est le nom de la jeune héroïne, qui s’appelle à l’origine Komarei (« petite fille »). Son père est un riche marchand. La famille est heureuse jusqu’au jour où le père ramène à la maison une autre femme pour en faire sa concubine. Cette femme s’appelle Kalei, elle est veuve et a deux filles d’un premier mariage.
Kalei intrigue contre la première épouse, tant et si bien que le mari décide de se débarrasser de la mère de Komarei. Lors d’une partie de pêche, le père fait tomber son épouse à l’eau et la tue à coups de rame. Lorsqu’il rentre chez lui, il explique à Komarei qui réclame sa mère que cette dernière s’est enfuie avec un amant. La petite fille refuse de le croire ; elle est au désespoir et appelle sa mère à grands cris. C’est à partir de la mort de sa mère qu’elle est appelée Moronak Meada.
La mère de Moronak Meada, dont les dieux ont eu pitié, a été transformée en « poisson éléphant » (ត្រីដំរី [trei dåm-rei], en français gobie de marbre, Oxyeleotris marmorata). Elle se rend auprès de sa fille, lui explique qu’elle a été transformée en poisson, et lui promet de répondre à ses appels. Il faudra cependant qu’elle la nourrisse. Elle recommande en outre à sa fille de faire preuve de la plus grande discrétion.
Moranak Meada voit sa mère régulièrement. Mais un jour, elle est surprise par Kalei et ses deux filles. Les trois intrigantes ourdissent un complot pour se saisir du poisson qu’est devenue la mère de Moronak Meada. Elles tuent le poisson et le cuisinent. Moronak Meada les découvre en plein repas. Elle est à nouveau en proie au désespoir.
Mais la nuit venue, un canard lui apporte quelques écailles du poisson éléphant, en lui recommandant de les planter en terre. De ces écailles naissent des plants d’aubergines, auxquelles Moronak Meada prodigue les plus grands soins. Une fois encore, son manège est percé à jour, et l’infâme Kalei, aidée de ses filles, arrache les plants d’aubergine et les hache.
Accablée de chagrin, Moronak Meada voit la nuit suivante un chat lui apporter les racines des plants d’aubergine. La fillette les replante, et obtient deux superbes arbustes dorés, auxquels elle rend un culte.
Moronak Meada est bien entendu le souffre-douleur de Kalei et de ses filles ! Tous les villageois ont pitié d’elle.
Quelques années plus tard, alors qu’elle se rend au marché, Moronak Meada rencontre le jeune roi qui visitait la région incognito. Le jeune souverain s’intéresse à la jeune fille. Il la suit, et la voit prier devant les arbustes dorés. Il lui demande de les lui donner. Moronak Meada n’ose pas refuser.
Le roi ordonne à sa suite de déterrer les arbustes, mais ceux-ci opposent une résistance farouche. Moronak Meada adresse alors une prière aux végétaux, en les priant de bien vouloir se laisser emporter. Les arbustes se déterrent et s’envolent vers le palais royal, mais, arrivés à destination, restent suspendus en l’air, refusant obstinément de se transplanter dans les pots qui ont été préparés pour eux.
Le roi comprend alors que les arbustes ne descendront du ciel que s’il épouse Moronak Meada. Il la fait quérir et en fait sa reine. Les jeunes mariés vivent un bonheur parfait.
Après trois années, Moronak Meada retourne dans son village natal pour revoir son père. Kalei met en place un stratagème pour que l’une de ses filles prenne la place de la jeune reine. Kalei a en effet eu recours aux services d’une sorcière qui parvient à donner à la fille la même apparence que Moronak Meada.
Lorsque cette dernière arrive dans la maison familiale, elle tombe dans un piège : une trappe s’ouvre sous ses pieds qui la fait tomber dans un chaudron d’huile bouillante. La jeune reine meurt et sa demi-sœur prend sa place.
Lorsque la demi-sœur arrive au palais, les arbustes dorés perdent toutes leurs feuilles. La supercherie est presque immédiatement découverte, car le comportement à la fois arrogant et enjôleur de la demi-sœur est très différent de celui de la très douce et très prude Moronak Meada. Interrogée, l’usurpatrice dévoile le plan machiavélique fomenté par sa mère. Le roi fait découper la fille en morceaux et la fait renvoyer à sa famille dans une jarre, en faisant dire qu’il s’agit d’une jarre de viande de porc offerte par la reine à sa famille.
Grâce à une intervention divine, Moronak Meada recouvre la vie, mais elle est transformée en mainate. L’oiseau s’envole vers le palais royal et se fait connaître du roi, qui lui fait fabriquer une cage en or et lui accorde les soins les plus attentifs. Cependant, la favorite du roi, se voyant délaissée à cause de l’oiseau, est jalouse. Elle ordonne à l’une de ses servantes de se saisir du volatile, de le plumer vivant et d’en faire une soupe.
Le pauvre mainate est donc plumé, il n’attend plus qu’on lui coupe la tête. La cuisinière s’absente juste le temps d’aller chercher les ingrédients pour la soupe. Il n’en faut pas plus pour qu’une souris s’introduise dans la cuisine et libère le mainate. Moronak Meada, sous la forme d’un pauvre mainate déplumé, est recueillie par le roi des souris blanches qui a pitié d’elle et lui accorde gîte et couvert.
Quelques années plus tard, deux ministres du roi rencontrent dans la campagne un garçonnet, qui leur demande s’ils connaissent son père. Lorsque les ministres interrogent l’enfant pour connaître le nom de son père, ils sont stupéfaits de s’entendre dire que le père en question porte exactement le même nom que le roi.
Le petit garçon est amené devant le roi. Il n’est autre que le fils de Moronak Meada ! Le roi part en expédition pour retrouver son aimée, qui a finalement pu reprendre sa forme humaine. Le roi et la reine vécurent longtemps et connurent un bonheur sans ombrage.
Voilà donc résumée l’histoire de Moronak Meada telle qu’elle est restituée dans ce film. Je n’ai pas réussi à trouver d’informations plus détaillées concernant la distribution ni la fiche technique de l’œuvre, mais il semblerait que les acteurs qui y ont joué des rôles soient assez connus.
La qualité de l’œuvre cinématographique ne justifierait peut-être pas un prix international, mais le scénario a le mérite de suivre d’assez près l’histoire originale. Le film dans son ensemble est bien entendu tragique, mais il comporte aussi quelques scènes humoristiques assez savoureuses.
Quand on connaît cette histoire, on comprend pourquoi certaines familles khmères ont banni le poisson éléphant de leur table, et s’abstiennent souvent de choisir pour leurs filles le nom des filles de Kalei : Chanty et Chanthea !
Le film peut être vu, en quatre parties, sur Youtube. La première partie est ci-dessous. Les trois autres parties sont ici, ici et ici. (Dans la quatrième partie, l’audio est assez mauvaise, et manque même complètement sur certains passages.) L’avantage de cette vidéo proposé sur Youtube est qu’elle est sous-titrée en anglais, ce qui bien entendu facilite la compréhension pour les non-khmérophones ou les khmérophones novices.
L’histoire de Moronak Meada est également racontée en khmer par le professeur Vandy Kaon, ici.
Une présentation de l’œuvre et un résumé en khmer se trouvent ici, sur le blog Phumi Khnhom.

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