Flore : Les pipéracées du Cambodge

L’une des épices les plus utilisées dans le monde, le poivre, est une « épice obtenue à partir des baies de différentes espèces de poivriers, des plantes de la famille des pipéracées » (dixit Wikipedia).
Du Cambodge, on connaît le très fameux « poivre de Kampot », la baie de l’espèce Piper nigrum cultivée dans le terroir réputé de la région de Kampot, province méridionale qui borde le Golfe de Siam. Outre cette espèce, sont présentes au Cambodge quatre autres pipéracées, des genres Piper et Peperomia, que nous nous proposons de présenter brièvement ici.
Peperomia pallucida (ក្រសាំងទាប [krâ-sang teap])
Connue dans les Antilles françaises sous les noms de cochlearia, koklaya ou encore zen kourès (cf. ici le site Caraïbe Agricole), P. pallucida est connu au Cambodge pour ses feuilles, qui sont consommées en guise de légume vert, le plus souvent sautées avec de la viande de bœuf, mais qui peuvent aussi être consommées crues. En Chine, où l’espèce est appelée « poivre herbeux » (草胡椒 [cǎo hújiāo]), elle est cultivée dans le sud du pays. Aux Philippines, la consommation de la plante, crue ou sous forme de décoction, est conseillée par le Ministère de la Santé pour réduire la teneur en acide urique du sang, responsable de l’arthrite et de la goutte.
Ci-dessous, des feuilles de cochlearia achetées sur un marché de Phnom Penh (photo personnelle).

Piper betle (ម្លូ [mlu], ម្លូបាយ [mlu bay])
Les feuilles du poivrier bétel, ou simplement bétel, sont mâchées avec de la noix d’arec et de la chaux. Ce mélange constitue un tonique bien connu et naguère fort répandu en Asie du Sud-Est. La médecine chinoise traditionnelle attribue à la tige et à la feuille du poivrier bétel différentes vertus : traitement des douleurs intestinales, de la toux et de certaines dermatoses. Au Cambodge, les feuilles de bétel (ainsi que la noix d’arec) font souvent partie des offrandes présentées lors des cérémonies de mariage. Elles sont également enroulées pour former des cornets qui sont offerts aux génies lors des cérémonies rituelles.
Ci-dessus, les feuilles du poivrier bétel (l’image vient de Wikipedia, Ananda, Public domain, via Wikimedia Commons)

Piper nigrum (ម្រេច [mrèch])
Le poivre dans le sens où nous l’entendons le plus souvent est la baie de l’espèce P. nigrum. La culture du poivre a probablement été introduite par les Chinois dans un passé ancien (Zhou Daguan, voyageur chinois de la fin du XIIIe siècle cite le poivre parmi les produits exportés du Cambodge vers la Chine, sans toutefois préciser dans quelle région ce poivre est cultivé). Le poivre le plus fameux du Cambodge est celui cultivé dans la région de Kampot, mais la culture du poivre est également importante dans les provinces de Koh Kong (Est du Cambodge) et de Tbong Khmum (Ouest), notamment dans la région de Memot. Les Cambodgiens utilisent quotidiennement le poivre dans de nombreux plats : vert, en grappes, dans des sautés de fruit de mer, ou noir, en grains ou moulu, notamment pour assaisonner soupes et bouillies de riz. Le poivre de Kampot bénéficie d’une IGP (indication géographique protégée) décernée par l’Union Européenne.
Ci-dessous, quelques grappes de poivre vert (photo personnelle)

Piper retrofractum (ដីផ្លី [dey-phley], ou ម្រេចវែង [mrèch vèng])
Le nom populaire khmer « mrèch vèng » signifie littéralement « poivre long ». Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, le poivre long était une épice couramment utilisée en Europe, mais il s’agissait de l’espèce P. longum, différente de celle que l’on trouve au Cambodge. Dans ce pays, le poivre long est cultivé essentiellement dans la région de Kampot. Les Cambodgiens n’utilisent traditionnellement pas P. retrofractum en cuisine. Cette espèce est cultivée pour ses vertus médicinales : la feuille est utilisée pour traiter la jaunisse et les œdèmes, le fruit en usage externe contre les maux de tête et les rhumatismes. (cf. Mathieu Leti et. al., Flore photographique du Cambodge). Le poivre long cultivé au Cambodge était principalement destiné à être exporté vers la Chine. Les cuisiniers occidentaux commencent à utiliser le poivre long dans leurs recettes.
Ci-dessous, quelques infrutescences séchées de poivre long (photo personnelle)

Piper sarmentosum (syn. P. lolot) (ចាភ្លូ [cha-phlu])
La feuille du poivrier lolot, souvent confondue avec celle du poivrier bétel, est condimentaire, mais peu utilisée au Cambodge. On la trouve en revanche assez souvent dans la cuisine vietnamienne, où elle sert souvent à envelopper de petits morceaux de bœuf cuits en brochette et consommés enveloppés dans une galette de riz avec des légumes et des herbes aromatiques. Dans la pharmacopée cambodgienne, la racine est réputée efficace contre la dysenterie, et elle entre dans la composition d’un remède contre la toux.
Ci-dessous, des brochettes de bœuf enroulé dans des feuilles de poivrier lolot (en vietnamien, ce plat est appelé bò lá lốt, « bœuf et feuilles de poivrier lolot »).

(Minh28397, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons)

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Un commentaire pour Flore : Les pipéracées du Cambodge

  1. Yann et Monique Chauny dit :

    Bonjour Pascal !
    Merci encore pour tous vos partages.
    Ah ! le crabe sauté à la cambodgienne au poivre vert ! En région parisienne, si l’on n’est pas tout proche des grands supermarchés asiatiques de la Porte de Choisy, il est parfois difficile de se procurer du poivre vert . Alors quand j’en trouve, j’en achète 2 ou 3 petits paquets que je divise à leur tour en sachets plus petits car … il se congèle et décongèle à merveille, sans pratiquement perdre de son arôme.
    Je voulais vous signaler une petite erreur : vous avez écrit à deux reprises « Peperomia pallucida », mais il faut écrire pellucida avec un e et non pas un a. C’est du latin pellis (peau, quia donné pelage, pelleterie…) et lucidus (lumineux, de la même famille que « lux » la lumière) qui signifie « à peau transparente ou translucide », car les feuilles peu épaisses laissent passer la lumière si on cherche à les regarder en transparence.
    Bien à vous,
    M & Y Chauny

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