Musique : Feuilles musicales khmères

(Je reprends ici un article que j’ai publié le 21 mai dernier sur Tela Botanica, ici.)
La très riche panoplie des instruments de musique cambodgiens traditionnels fait un usage important des espèces végétales. L’instrument le plus rudimentaire est constitué d’une unique et simple feuille d’arbre.
Tout le monde a sans doute voulu un jour faire siffler un brin d’herbe ou une feuille d’arbre tendu entre les pouces en ménageant une ouverture et en soufflant dans cette ouverture. Pour faire varier le son obtenu, il suffit de régler l’ouverture.
Au Cambodge (et dans d’autres pays d’Asie), la feuille d’arbre est un instrument de musique à part entière. Dans son ouvrage La Musique en pays khmer (non traduit), Mme Keo Narum (dont nous avions parlé à propos de la guitare « pétiole de borasse »), dans la partie consacrée aux instruments à vent, présente la feuille musicale.
Dans le court paragraphe qu’elle consacre à cet instrument, la musicologue explique que les jeunes bouviers cambodgiens aiment souvent, pour se distraire, jouer de la feuille (on dit en khmer ផ្លុំស្លឹក [phlom sleuk], le verbe ផ្លុំ [phlom] signifiant « jouer (d’un instrument à vent) », ស្លឹក [sleuk] désignant la feuille d’arbre) pour imiter les cris des animaux ou même jouer des airs simples.
Les paysans aussi s’amusent parfois à jouer de cet instrument. Au début de son film Les Gens de la rizière (premier film cambodgien sélectionné pour concourir au festival de Cannes, en 1994), qui dépeint admirablement la vie quotidienne dans la campagne cambodgienne, le cinéaste cambodgien Rithy Panh a filmé une séquence dans laquelle on voit et on entend le personnage du père, un paysan khmer, jouer de la feuille (à environ 17 minutes du début du film).
Mais la feuille musicale est aussi un instrument de musique tout à fait sérieux : les joueurs de feuille font parfois partie des orchestres de mariage ou des orchestres de funérailles. Les feuilles choisies doivent être assez épaisses et solides. Les espèces privilégiées sont le « lumpus » (លំពស់, Connarus sp.), le « puoch » (ពួច, Rhodomyrtus tomentosa) et le « kravan » (ក្រវាន់, une sous-espèce du romduol រំដួល, Mitrella mesnyi, la fleur nationale du Cambodge). Il faut absolument que la feuille soit fraîche : impossible de tirer la moindre note de musique d’une feuille sèche !

Feuilles de Rhodomyrtus tomentosa (détail d’une photographie de Earth100, CC BY-SA 3.0)

Pour jouer de cet instrument, on peut légèrement plier la feuille en deux dans le sens de la nervure principale, ou la laisser à plat. Si la feuille est de grande taille, on peut se contenter de n’en plier que le bord. Certains musiciens tiennent la feuille avec leurs lèvres, d’autres la tiennent avec les mains. De cet instrument, ils sont souvent capables de tirer des mélodies assez élaborées
Ci-dessous, une courte mélodie à la feuille :

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