Conte : Les moineaux des villes et les moineaux des champs (រឿងចាបស្រុកនិងចាបព្រៃ)

Les Khmers font une distinction fondamentale entre ce qui est « civilisé » et ce qui est « sauvage ». Ce qui appartient au domaine du civilisé est dit du « village » (ស្រុក [srok]), tandis que ce qui relève du sauvage est dit de la « forêt » (ព្រៃ [prei]). Le conte des « moineaux des villes et des moineaux des champs » illustre cette distinction.

Il était une fois une volée de moineaux des villes et une autre de moineaux des champs qui prenaient chaque jour leur envol en quête de nourriture. Les parents des moineaux des villes leur avaient fait les recommandations suivantes : « Lorsque vous êtes en quête de nourriture, abstenez-vous de vous disputer ou de piailler trop fort, vous risqueriez sinon d’attirer l’attention des chasseurs et d’être pris dans leurs filets. Et s’il arrivait que des chasseurs vous prennent au filet, unissez vos forces et envolez-vous d’un seul élan pour vous libérer. » Les moineaux des villes suivaient à la lettre les recommandations de leurs parents et jamais ils n’osaient faire de tapage. S’il leur arrivait d’être pris dans le filet d’un chasseur, ils s’envolaient d’un seul élan et avaient toujours réussi à sauver leurs plumes.
Un jour que moineaux des villes et moineaux des champs s’étaient mis en quête de nourriture, les deux volées se rencontrèrent et vinrent à percher sur le même arbre. Les moineaux des champs s’étaient posés sur une branche basse, tandis que leurs cousins des villes avaient choisi de se percher sur une branche près de la cime de l’arbre. Sous le poids des moineaux des villes, la branche se cassa et tomba sur la volée des moineaux des champs. Excédés, ces derniers se mirent à tancer les moineaux des villes : « Mais pourquoi donc vous amusez-vous à casser les branches et à nous les faire tomber sur la tête ! »
Les moineaux des villes voulurent alors expliquer à leurs cousins des champs : « Nous n’avons pas cassé la branche pour la faire tomber sur vous, c’est la branche qui s’est rompue toute seule et qui est tombée, voilà tout ! » Mais les moineaux des champs, qui n’avaient reçu aucune éducation, ne voulurent rien entendre et se mirent à se disputer à grands cris avec leurs cousins des villes. Des chasseurs, entendant le tapage des moineaux sur l’arbre, jetèrent leur filet sur les volatiles et les prirent tous au piège. Pris dans le filet, les deux volées n’en arrêtèrent pas pour autant de se disputer. Les moineaux des villes lancèrent à ceux des champs : « Puisque vous êtes si forts, pourquoi ne vous libérez-vous pas du filet ? » Les moineaux des champs, ne voulant pas être de reste, demandèrent à leur tour : « Et vous, puisque vous êtes si forts, pourquoi ne vous libérez-vous pas non plus ? » Aucune des deux volées n’était disposée à lâcher l’affaire, et tous se disputaient de plus belle, sans penser à s’échapper. Pendant que les oiseaux étaient tout à leur dispute, les chasseurs ramassèrent leur filet, tous les moineaux furent pris et aucun n’en réchappa. Les moineaux des villes, qui avaient été bien éduqués, regrettèrent amèrement d’avoir rencontré les moineaux des champs, ces oiseaux sans éducation, et de s’être disputés avec eux jusqu’à en laisser leurs plumes.
Morale : À accuser quelqu’un sur de simples présomptions, on s’expose à un grand malheur.
Ce conte a été publié dans le volume 2, pp. 14~15, du Recueil de contes khmers publié par l’Institut Bouddhique de Phnom Penh. La version originale peut aussi être lue sur le site web de cet Institut, ici.
ចាបស្រុក est aussi le nom d’une espèce précise que l’on trouve au Cambodge, le moineau flavéole (Passer flaveolus), qui se trouve aussi en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Vietnam.

Moineau flavéole (Photographie : Ron Knight from Seaford, East Sussex, United Kingdom, CC BY 2.0)

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Un commentaire pour Conte : Les moineaux des villes et les moineaux des champs (រឿងចាបស្រុកនិងចាបព្រៃ)

  1. Anonyme dit :

    Bonjour. Ce conte me fait très fortement penser à ce qui se passe en ce moment entre des partis politiques qui se chamaillent au lieu de s’unir. La morale sera sans doute la même que celle du conte…

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