Bibliographie : Nhok Thaem, Le Démon de l’amour

Nhok Thaem (ou Nhok Them) (ញ៉ុក ថែម, 1903-1974) est un auteur important dans l’histoire de la littérature cambodgienne moderne. Il est surtout connu pour La Rose de Païlin (កុលាបប៉ៃលិន), roman sentimental célèbre qui avait été publié en 1943 et que Khmerologie a déjà présenté ici. Avant La Rose de Païlin, Hnok Thaem a fait paraître en 1942 un court roman (une quarantaine de pages dans l’édition que je possède) intitulé Le Démon de l’amour (បិសាចស្នេហា [bei-sach sné-ha]).
Le Démon de l’amour raconte l’histoire suivante : Sarei, l’aînée, et Saron, la cadette, sont toutes deux élèves au Lycée Sisowath, situé « boulevard Doudard de Lagrée » (aujourd’hui boulevard Norodom). Un jour, à la sortie du lycée, elles portent secours à un jeune homme victime d’un accident de moto. Elles ramènent le jeune homme dans leur résidence familiale (elles sont les filles d’un oknha). Le jeune homme, Roat, est un jeune magistrat, issu lui aussi d’une bonne famille. Les deux jeunes filles tombent amoureuses de Roat. Ce dernier n’est pas insensible au charme des deux sœurs.
Saron a un soupirant, Oddom, qui est dévoré par la passion ; il a demandé la main de Saron, mais le père de cette dernière laisse à sa fille le choix d’accepter ou non. Oddom presse Saron de lui donner sa réponse, mais cette dernière finit par le repousser en lui révélant qu’elle est amoureuse d’un autre. Par désespoir, Oddom se suicide.
Roat finit par décider d’épouser l’aînée, Sarei. Saron est désespérée. Elle est si consumée par l’amour qu’elle porte à Roat que, alors que ce dernier est en mission à Kampot, elle décide d’assassiner sa sœur. Elle s’introduit dans sa chambre, armée d’un couteau effilé. Au moment où elle s’apprête à porter le coup fatal, le fantôme du jeune Oddom lui apparaît.
Oddom parvient à convaince Saron de renoncer à son funeste projet, mais Saron est tellement dévorée par le sentiment amoureux qu’elle se suicide immédiatement, au chevet de Sarei.
L’enquête policière conduite après la découverte du corps de Saron ne donne rien : le suicide est a priori écarté (pourquoi Saron se serait-elle rendue dans la chambre de sa sœur pour se suicider ?), et le meurtre de Saron par Sarei semble peu plausible : les deux sœurs s’entendaient à merveille.
Alors que Roat est encore à Kampot, il apprend le décès de sa belle-sœur. Une nuit, il est réveillé par une voix. Lorsqu’il se lève, il voit apparaître le fantôme de Saron, qui lui expose ses sentiments et lui raconte ce qui s’est passé. Le mystère de la mort de la jeune fille est donc éclairci.
L’intrigue du roman est d’une grande simplicité. Si cette œuvre ne présente pas un intérêt majeur du point de vue de l’esthétique littéraire, elle est cependant loin d’être inintéressante, ne serait-ce que pour l’histoire de la fiction cambodgienne moderne. De plus, Nhok Thaem possède une grande maîtrise de la langue khmère (il était professeur de pali) et son style est d’une grande élégance.
Du point de vue linguistique, ce court roman permet d’avoir un aperçu de l’évolution très importante que la langue khmère a connue depuis les années quarante. De nombreux mots et expressions utilisés par Nhok Thaem sont considérés aujourd’hui comme désuets.
À ma connaissance, ce roman n’a jamais été traduit.
L’édition qui est en ma possession, datée de 2004, est assez bonne : les fautes de frappe sont rares et le texte est bien lisible. Le livre ne porte aucune indication relative à l’éditeur, qui fait cependant précéder le texte par une brève introduction et une notice biographique de l’auteur.
Sur Youtube, vous pouvez écouter l’analyse du roman Le Démon de l’amour par l’historien et spécialiste de la littérature Vandy Kaonn.
Le professeur Khing Hoc Dy consacre également un chapitre à Nhok Thaem et à son œuvre dans son ouvrage Littérature cambodgienne du XXème siècle – Écrivains et textes.
La version anglaise de Wikipedia consacre un court article à cet auteur, voir ici.

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